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Désobéir, un acte citoyen ?

Depuis quelques jours, un mouvement de résistance civile suisse fait parler de lui : Renovate Switzerland. Les activistes collent littéralement leurs mains sur la chaussée de l'autoroute afin de couper la circulation. Ils demandent au Conseil fédéral un plan et le budget nécessaire pour rénover un million de logements, objectif réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Je souhaitais apporter ma modeste contribution à la médiatisation de cette cause.



Quand on parle de désobéissance civile, on pense à deux grandes figures historiques : Gandhi et Martin Luther King. Le premier luttait contre l'impérialisme colonial britannique en Inde, le second, la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Ces mouvements non-violents sont devenus célèbres aussi parce qu'ils ont atteint leur but.



Cependant, des citoyens "plus ordinaires" ont aussi enfreint la loi parce qu'ils pensaient qu'elle était contraire à une cause supérieure ou pour médiatiser leur combat.

En Suisse, pendant la Seconde Guerre Mondiale, Paul Grüninger est condamné pour avoir fait passer des juifs fuyant l'Autriche. Il ne sera acquitté que 55 ans plus tard, à titre posthume, le tribunal reconnaissant qu'il a agi au nom de l'état de nécessité qui prévalait sur les règles administratives.

En France, en 2004, le maire de Bègles marie un couple homosexuel sous les flashs des journalistes. Cette union sera déclarée illégale mais l'objectif de médiatisation des droits des homosexuels est atteint.


Voilà deux contextes bien différents : d'un côté la guerre, de l'autre un pays démocratique en paix. Est-ce que la désobéissance civile à sa place dans un régime démocratique ? Nous élisons nos représentants qui proposent et votent les lois. Si une loi est mal faite, nos représentants s'en chargeront ! On pourrait donc dire aussi que nous n'avons pas besoin de lobbies, de grèves, de manifestations ... Il faudrait bannir toute forme de pression sur nos représentants.

Rappelons-nous que les luttes contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis ou pour le droit à l'avortement en France se sont déroulées dans des pays démocratiques.



Les causes, les contextes, les objectifs sont différents, le mode d'action est identique.

La loi existe mais elle peut être mauvaise. Faut-il l'appliquer ?

Si chacun regarde son intérêt particulier, on peut rapidement trouver beaucoup de lois qui ne nous "plaisent" pas. On pourrait donc tous devenir des désobéissants ? Par exemple, pendant les deux ans de crise du Corona virus, des gens ont affirmé que la loi bafouait leur liberté. Ne mettaient-ils pas leur liberté individuelle au-dessus de tout évitant de penser que leurs actions pourraient entraver la liberté, la santé des autres ?


Il y a quelques siècles, la traite des noirs était encadrée par la loi. Est-ce que pour autant elle était juste ? Aujourd'hui, avec nos yeux de citoyens du XXIème siècle, l'abolition de la traite puis de l'esclavage (deux évènements différents!) nous semblent être des décisions justes, peut-être même tardives. Cependant, qu'aurions nous pensé, qu'aurions nous fait à l'époque ? "Par principe, je suis contre, mais l'esclavage, c'est légal", "la loi est mal faite mais c'est comme ça", "si on abolit l'esclavage, toute l'économie va s'effondrer" (argument des lobbies esclavagistes), "boycotter le sucre et le cacao, comment ferons-nous ?"

Comment décider quelle cause est supérieure à la loi ?


Je vais vous paraître provocante : est-ce l'idée d'égalité des humains entre eux est une idée qui transcende l'espace et le temps ? De quel côté, aurais-je été à l'époque des mouvements des droits civiques ? Martin Luther King et Rosa Parks auraient-ils été mes héros ? Une cause qui parait aujourd'hui supérieure, a-t-elle pu être précédemment considérée comme illégitime ?

Rosa Parks / Photo by Unseen Histories on Unsplash


Revenons à l'actualité.

Dans le cas d'Extinction Rebellion, de Renovate Switzerland, quelle est la cause supérieure ? L'urgence du combat contre la crise climatique, qui menace nos vies et celles des générations futures ... Personnellement, je partage ce sentiment d'urgence et je trouve que la prise en compte politique et collective de ce sujet n'est pas à la hauteur. Le seul courage que j'ai, c'est de relayer leurs actions, je n'ai pas les tripes pour faire ce qu'ils font.

Est-ce que cette cause est vue de la même manière par tous ? Non, après avoir lu quelques commentaires sous les articles de presse médiatisant les blocages d'autoroute en Suisse, la crise climatique est loin d'être comprise. L'objectif n'est pas de décrocher l'adhésion des automobilistes bloqués mais d'attirer l'attention des médias et du Conseil fédéral sur une solution ... pas LA solution mais une parmi d'autres pour faire avancer la Suisse sur la voie de la neutralité carbone.


Alors pour ou contre la désobéissance civile ?

Vous me jugerez "timorée", "nuancée" ... et oui, je défends la nuance, ce n'est pas de l'opportunisme ou de l'attentisme. Dans notre époque des extrêmes, j'espère avoir encore ce courage de la nuance et je préfère me concentrer sur la cause plutôt que sur le mode d'action.

Je ressens le sentiment d'urgence de la crise climatique de manière tellement forte que je peux vous dire les yeux dans les yeux : "Je soutiens toute forme d'action non-violente qui nous fera avancer ..."



PS : Pour revenir au père de la désobéissance civile, Henry David Thoreau :

“Je ne cherche pas querelle à des ennemis lointains mais à ceux qui, tout près de moi, collaborent avec ces ennemis lointains et leur sont soumis: privés d’aide ces gens-là seraient inoffensifs. Nous sommes accoutumés de dire que la masse des hommes n’est pas prête ; mais le progrès est lent, parce que l’élite n’est, matériellement, ni plus avisée ni meilleure que la masse. Le plus important n’est pas que vous soyez au nombre des bonnes gens mais qu’il existe quelque part une bonté absolue, car cela fera lever toute la pâte. Il y a des milliers de gens qui par principe s’opposent à l’esclavage et à la guerre mais qui en pratique ne font rien pour y mettre un terme ; qui se proclamant héritiers de Washington ou de Franklin, restent plantés les mains dans les poches à dire qu’ils ne savent que faire et ne font rien ; qui même subordonnent la question de la liberté à celle du libre échange et lisent, après dîner, les nouvelles de la guerre du Mexique avec la même placidité que les cours de la Bourse et peut-être, s’endorment sur les deux. Quel est le cours d’un honnête homme et d’un patriote aujourd’hui? On tergiverse, on déplore et quelquefois on pétitionne, mais on n’entreprend rien de sérieux ni d’effectif. On attend, avec bienveillance, que d’autres remédient au mal, afin de n’avoir plus à le déplorer. Tout au plus, offre-t-on un vote bon marché, un maigre encouragement, un « Dieu vous assiste » à la justice quand elle passe. Il y a 999 défenseurs de la vertu pour un seul homme vertueux.”

(Extrait de La désobéissance civile)





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1 Comment


Guest
Nov 04, 2022

Le volume des désobéissances civiles, va augmenter avec les sentiments de nécessité de transformations urgentes, non assez rapidement pris en compte dans une démocratie, comme en Suisse. Ces actes augmentent aussi en volume, avec la mise en place ou l'augmentation des restrictions des libertés existantes initialement: Exemple le port du masque et les interdictions de manifester durant Covid... @pkotte

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