Est-ce qu'être "écolo" se bornerait à modifier de "petits" gestes au quotidien ? Acheter en vrac ses courses alimentaires, cuisiner, consommer moins ou ne plus consommer de viande, repriser ses jeans ...
L'action individuelle est nécessaire mais non suffisante. Agir seul ne changera pas le monde mais ne pas agir, c'est la garantie que rien ne changera.
Alors comment ne pas culpabiliser quand on peut agir mais que la démotivation pointe le bout de son nez ? Fatiguées de culpabiliser (socialter.fr)
J'ai lu cet article et cela m'a rappelé un échange de deux personnes (probablement des hommes) sur un forum "écolo", pardon un forum "enjeux climat-énergie" : "Est-ce que la fin de l'énergie bon marché (et donc sous-entendu la fin de l'aspirateur et des plats préparés vendus en supermarché) allait sonner le retour des femmes au foyer pour faire le ménage et la cuisine ?" D'après eux "la libération de la femme" n'avait été possible que grâce à l'abondance de l'énergie ... Je ne suis pas sûre de comprendre l'expression "libération de la femme" dans ce contexte. Egalité des droits des hommes et des femmes me parle plus. Et là, je ne vois pas le lien entre l'énergie abondante et par exemple, le droit de vote des femmes ou le droit de disposer librement de son corps !
Revenons au balai et à la cuisine, je n'ai pas une mais plusieurs objections !
Premier point, pourquoi cela concernerait le retour des femmes au foyer ? Les hommes ne sauraient pas passer le balai et faire la cuisine ?
Photo de Jonathan Borba sur Unsplash
Deuxième point, pourquoi moins d'énergie signifierait la fin de l'aspirateur et le retour au balai ? Et si on partageait l'aspirateur, la machine à laver, la tondeuse à gazon, ... avec ses voisins ? On aurait toujours besoin d'énergie pour leur usage mais on diminuerait sacrément l'énergie nécessaire pour la fabrication de toutes ces aides ménagères ! Ce n'est donc peut être pas la fin de l'aspirateur, mais plutôt la fin de la propriété et le renouveau du partage.
Troisième point, et si le temps passé à nettoyer et à cuisiner était considéré comme un temps "productif", exactement comme le temps passé au bureau, oui vous savez ce temps passé à envoyer des mails récapitulant ce qui s'est dit pendant des réunions où les participants lisaient leurs mails récapitulant les réunions précédentes ? Pourquoi nettoyer ou cuisiner pour soi ne seraient pas valorisable ? Et si elles était valorisées, est-ce que ces activités ne seraient pas mieux réparties entre hommes et femmes ? Est-ce qu'on considérerait toujours que les plats préparés du supermarché ont "libéré" les femmes de la cuisine ? Est-ce qu'on arrêterait de dire "c'est parce que tu as le temps que tu cuisines" ? Après tout, est-ce qu'on dit aux automobilistes coincés dans les embouteillages : "c'est parce que tu as le temps que tu prends ta voiture !"
Personnellement, je considère être "libérée" de la corvée de conduite lorsque je prends le tramway pour aller en ville. Pourtant, un certain nombre d'automobilistes refusent cette "libération" car pour eux, conduire leur voiture (même dans les embouteillages) a une valeur. Ici pas de temps "productif" mais une valeur sociale : "regardez moi et ma voiture".
Je m'éloigne du sujet ? Je ne crois pas. Il est difficile de changer nos comportements sans ressentir de charge morale personnelle, parce que le groupe ne partage pas les mêmes valeurs que nous.
Oui, notre entourage proche approuve nos choix, suit nos décisions, nous soutient, mais les "infrastructures" sociétales manquent encore souvent. S'il n'y a pas de pistes cyclables, remplacer sa voiture par le vélo, c'est courageux. Si le magasin de vrac est plus loin que le supermarché ou l'épicerie, y faire ses courses, c'est compliqué. Si les menus des restaurants ne présentent qu'un seul plat végétarien pour dix plats de viande, réduire sa consommation de viande, c'est moins appétissant. Si porter un jean reprisé au genou n'apporte que des réflexions désobligeantes, participer au prochain atelier couture, c'est démotivant. Alors, on craque devant tant d'efforts à fournir ... et ne parlons pas du temps après lequel on court, tout le temps.
J'ai entremêlé deux idées dans cet article qui, pour moi, sont liées :
- les petits gestes écolo du quotidien sont souvent assurés par les femmes
- la charge morale des petits gestes écolo est pesante.
Cette charge morale est lourde car les valeurs de notre société n'ont pas encore changé et donc faire ces petits gestes représentent un effort (de manière pratique ou psychologique). De plus, ces petits gestes, souvent à la charge des femmes, concernent des activités historiquement faites par des femmes et peu investies par les hommes car non valorisées ni monétairement ni socialement.
Il faudrait donc que la valeur sociale devienne prioritaire et s'affranchisse de la valeur monétaire (avoir une voiture a une valeur sociale parce que la voiture a un prix, et plus son prix est important, plus son conducteur en retire une grande fierté) ? Si demain, notre société mettait au coeur de ses choix les liens entre humains, la santé et le soin, les relations entre êtres vivants plutôt que l'accumulation d'argent et "le temps productif", nous avancerions peut-être mieux sur le chemin de l'égalité, du bien-être, du respect de notre environnement. Voilà un chantier bien plus vaste que les petits gestes individuels du quotidien, un chantier plus enthousiasmant car nous pouvons y travailler collectivement ! Qu'en pensez-vous ?
Photo de Conscious Design sur Unsplash
J’adhère à 100%, merci pour cet article passionnant!