Nous voilà déjà en Mars et vient le temps des semis ... Vous n'avez pas envie de vous lancer dans un potager ? Ce n'est pas grave, vous pouvez tout de même lire cet article ! Je vais vous parler des machaons (de très jolis papillons), des carottes et je vais vous faire voyager de Genève à Varsovie.
Photo by le Sixième Rêve on Unsplash
Favoriser les machaons dans le canton de Genève, les débuts d'un projet du WWF-Genève
Planter des graines de carottes pour faire venir les machaons ! Voilà une idée simple (en apparence) qui a poussé les membres du groupe biodiversité du WWF-Genève à étudier ce projet et lancer un test grandeur nature.
Quelques explications s'imposent, vous ne connaissez pas les machaons, ... mais vous connaissez sans doute les carottes, au moins dans votre assiette, voilà un bon début! J'étais donc au même stade que vous il y a quelques semaines quand Julia du WWF m'a soufflé l'idée.
Le machaon expliqué
Le machaon est un grand papillon, relativement commun, présent dans les régions tempérées de l'hémisphère nord. Il vole de fin Mars à Septembre, période pendant laquelle deux ou trois générations se succèdent. On peut le rencontrer dans les friches, les prairies fleuries, dans des lieux herbus secs ou humides. Il semblerait que ses populations se raréfient en Europe Centrale mais j'ai retrouvé des photos de pièces et de timbres polonais illustrés de machaons !
Les papillons se délectent du nectar de fleurs comme celles de la carotte. Les œufs sont pondus sur des plantes hôtes : panais, céleri, fenouil ... et carotte. Environ une semaine plus tard, l'éclosion a lieu et la chenille va se développer pendant un mois, se nourrissant de sa plante hôte jusqu'à atteindre une taille de plus de 4cm.
Par Ivar Leidus — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=80863483
Puis elle va se transformer en chrysalide. Ce stade dit "nymphal" peut durer trois semaines ou tout l'hiver en fonction des saisons. Enfin, le moment venu, le papillon émerge de la chrysalide, il s'en éloigne pour faire durcir ses ailes, et il les déploie pour l'envol.
Par Entomolo — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=623648
La carotte expliquée
La carotte est une plante bisannuelle. Prenons un exemple pratique : si je sème les graines maintenant, en mars 2022, je pourrai récolter des carottes pendant l'été 2022. Cependant, la plante n'aura pas eu le temps de faire des fleurs et des graines pour sa reproduction.
Si je ne récolte pas la carotte qui représente les réserves faites par la plante, au printemps prochain, elle grandira, se renforcera et fleurira. C'est alors que les papillons machaons interviennent ! Ils seront attirés par ces fleurs à nectar et poseront leurs œufs sur les tiges et feuilles. Puis la chenille se développera et formera la chrysalide qui donnera finalement la prochaine génération de papillons.
A ce stade de l'étude du projet, nous avons décidé, au sein du groupe de travail biodiversité, de tester les semis de carottes dès cette année avant de le lancer à plus grande échelle auprès des autres membres de l'association. Cela nous permettra d'avoir un peu d'expérience à partager avec les volontaires "planteurs de carottes" de l'année prochaine à qui nous distribuerons des graines.
"Faire des semis" ... cela me rappelle de bons souvenirs de Varsovie!
L'aventure du potager partagé à Varsovie et notre plan B pour le réaliser
Je voudrais saluer et remercier ici mes amies à Varsovie, ainsi que celles qui sont reparties vers d'autres horizons, les marraines de semis: Géraldine, Gaëlle, Frédérique, Sylwia, Marie. Comme moi, elles ont accueilli une nurserie chez elles : entre 2 et 12 plateaux de petite boules de terre, "cocons" des graines que nous avions semées.
Mais revenons un peu en arrière ...
Fin 2019, nous lançons au sein du groupe associatif Varsauvons la Planète une initiative de potager hébergé par le Lycée Français de Varsovie, soutenu par la Fondation Véolia, en gestion partagée entre les membres de l'association et les classes de maternelle.
Février 2020, nous suivons une formation sur la permaculture avec Lukasz, notre expert local et nous faisons un rapide travail pratique de façonnage de boule de terre-compost-sable pour accueillir les graines. L'objectif est d'effectuer ces travaux de semis avec les élèves de maternelle grâce aux membres de l'association. Nous avons notre planning avec les classes et leurs enseignant pour le reste du mois de mars ...
Et patatras, le confinement est décrété et nous restons avec nos commandes de graines, de compost, de sable, de matériel de jardinage ... sur les bras. Branle-bas de combat et mise en route d'un plan B. Nous demandons des volontaires pour faire et accueillir les semis chez elles en attendant la réouverture de l'école. Et nous avons des réponses !
Voilà comment nous sommes devenues six marraines de semis. Nous n'étions pas des expertes en plantations potagères, pour la plupart l'entre nous, c'était la première fois que nous tentions autant de semis, en quantité et en diversité ! Et pourtant, nous nous sommes lancées, chacune chez nous, la faute au confinement, un peu inquiète tout de même ... si nous ne réussissions pas, il n'y aurait rien à planter au mois de mai dans le potager. Pour faire face au stress, nous communiquions régulièrement : graine germée, première feuille, terre humide ou sèche, ... nous étions aux petits soins. Et finalement, nous avons gardé les semis jusqu'au moment de la plantation, l'école n'ayant réouvert qu'au mois de mai.
Evolution de la graine de carotte
Je crois avec le recul que cette expérience m'a permis de traverser le premier confinement moins angoissée.
Dans le contexte actuel très oppressant, peu d'entre nous ont le temps de faire des semis et s'occuper de plantes au quotidien mais peut-être devrions-nous prendre le temps de le faire pour recharger nos batteries.
Printemps, semis, papillons mais pourquoi se donner tant de mal ?
Pourquoi favoriser le retour des papillons ?
Finalement si les papillons disparaissent, cela montre que notre environnement n'est pas suffisamment accueillant pour eux : trop de pesticides dans les cultures ? pas assez de "verdure"? uniformisation de nos jardins ? Sur quoi pouvons nous agir et pourquoi ?
- La première raison est vraiment simple : je trouve que les papillons sont beaux et un jardin avec des papillons est encore plus agréable.
- Ensuite parce que favoriser le retour de papillons, c'est remettre un maillon de la chaine alimentaire dans l'écosystème. Les papillons sont des pollinisateurs donc essentiels dans le cycle de reproduction des plantes. De plus, les prédateurs des papillons sont les oiseaux, les araignées, les amphibiens (dont la population mondiale a chuté d'environ 70% depuis 1960), les lézards, les hérissons ... Donc, nous pourrions voir revenir plus d'oiseaux en ville! Augmenter la biodiversité des écosystèmes, c'est augmenter la résilience de ceux-ci face au changement climatique, notamment.
- Enfin, parce que le processus est formateur à tout point de vue. Pour que les carottes deviennent plantes hôtes, il faut les garder en terre, ne pas tout récolter, donc partager avec les autres acteurs de l'écosystème (J'ai fait attention de ne pas écrire "partager avec la nature" car nous devrions nous considérer faisant partie de la nature). Il faut aussi être patient et accepter le risque que les papillons ne viendront pas malgré nos plantations.
J'en ai déjà parlé dans mon article de début janvier, nous devons avoir le courage d'agir malgré l’incertitude de notre réussite.
Alors cette année, à Genève, Ania et moi, nous avons semé des graines de carottes, nous récolterons quelques carottes et nous en laisserons en terre dans l'espoir de voir des machaons butiner leurs fleurs au printemps prochain puis y laisser des œufs.
"Au pire, ça marche!" (Institut des futurs souhaitables)
Tenté de faire la même chose à Genève, à Varsovie ou ailleurs ?
Voici ce que j'ai retenu des mes leçons de permaculture avec Lukasz
- Semer les graines en extérieur :
Vérifier sur le sachet de graines les conditions pour les semer. Il faut que la terre soit légèrement humide. Vous pouvez faire un apport de compost et le mélanger avec la terre. Tracer un sillon 2-3cm de profondeur et placer les graines avec l'espacement indiqué sur le sachet. Ce sera plus ou moins simple en fonction de la taille des graines. Pour les carottes, les graines sont très petites, il vaut mieux les mettre dans une assiette pour pouvoir les attraper. Refermer le sillon mais ne tasser pas la terre.
- Semer les graines en intérieur avant de les transplanter en extérieur plus tard :
Idéalement préparer un mélange de terre, de sable et de compost, humidifier le mélange avec un pulvérisateur et faire des boules comme sur la photo. Faire un petit trou dans la boule et déposer une graine. Déposer toutes les boules de terre dans un plateau et placer le dans un endroit bien exposé à la lumière.
Dans les 2 cas, arroser au pulvérisateur pour que la terre soit toujours légèrement humide mais que les graines ne soient pas noyées. 1 à 2 fois par jour en fonction de l'humidité de la terre, préférentiellement en début et en fin de journée pour éviter une évaporation trop importante.
Soyez patient, les graines germeront lorsque les conditions de température, de luminosité et d'humidité seront réunies.
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